Sortir de la crise sanitaire permanente nécessite une véritable stratégie – 13/09/2021

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Philippe Juvin : « Sortir de la crise sanitaire permanente nécessite une véritable stratégie »

Le médecin, maire de La Garenne-Colombes et candidat à la primaire LR, propose, dans une tribune au« Monde », que la France prenne l’initiative d’un plan « rigoureux, national, européen et mondial », incluant notamment le dépistage de chaque cas de Covid-19, pour remonter ses contacts et les isoler.

Lire la tribune sur le site du Monde

 

Les vagues de Covid se succèdent et, avec elles, le sentiment que le virus a toujours un coup d’avance. Pour reprendre le contrôle, nous devons adopter une stratégie qui tire les leçons de ce qui a été fait jusqu’ici. Avec d’autres, la France a fait le choix d’une stratégie d’atténuation de la circulation virale consistant à accepter de vivre avec le virus en freinant sa circulation par la distanciation. En cas de saturation des hôpitaux, on renforce les mesures de restriction (fermetures, confinement). La vaccination devait résoudre le problème de la recirculation virale dès le relâchement des restrictions, mais l’apparition de variants plus actifs a changé la donne.

Une autre stratégie, de « zéro Covid » ou d’« éradication », a été appliquée en Australie, Nouvelle-Zélande et au Canada. Dans celle-ci, on ne laisse pas circuler le virus. Chaque cas est rigoureusement étudié, tracé et isolé. Les frontières sont contrôlées. Pendant ce temps, la société vit normalement. Ces pays ont clairement obtenu les meilleurs résultats avec moins de morts, de baisse de PIB et de bouleversements de la vie quotidienne.

Renforcer le système de santé

Au Canada, certaines provinces ont choisi la stratégie zéro Covid et d’autres, celle de l’atténuation. Au 30 juillet, les décès étaient de 0 à 10 pour 100 000 habitants dans les premières, contre 34 à 131 dans les autres. La baisse du PIB en 2020 a été de 2 % moindre dans les provinces zéro Covid. Quant au contrôle des frontières, les 8 891 kilomètres de frontières terrestres qui séparent le Canada des Etats-Unis ont pu être sécurisés tout en laissant entrer chaque jour 1 milliard de dollars de biens et de services. Pourtant ces pays zéro Covid ont aussi été bousculés par les variants. L’Australie avait misé sur l’éradication virale et ne vaccinait pas sa population : elle a dû confiner.

Grâce à ces expériences internationales, nous pouvons esquisser une stratégie globale en quatre piliers pour sortir définitivement de cette pandémie.

Le premier pilier consiste à renforcer le système de santé : augmenter nos capacités de réanimation mobilisables pour diminuer le risque de débordement, créer une réserve sanitaire européenne pour battre le rappel, sécuriser nos chaînes logistiques et investir massivement dans la recherche de traitements et de vaccins adaptés aux variants. Mais où est passé le plan France médecine génomique qui devait faire de la France un leader mondial en séquençage ? Moins de 2 % des prélèvements ont été séquencés dans les trois derniers mois contre 14 % au Royaume-Uni, nous rendant ainsi aveugles sur les nouveaux variants qui circulent. La prise en charge des Covid longs et des patients dont les traitements ont dû être reportés devront faire l’objet de stratégies spécifiques.

Une parole publique plus humble

Le deuxième pilier vise à rétablir la confiance des citoyens. L’acceptabilité des mesures est le grand enjeu de société. Je crois en l’efficacité d’une parole publique moins verticale, plus explicative et plus humble. Notre communication institutionnelle est trop uniforme : inspirons-nous des Etats-Unis où les campagnes d’information sont adaptées à des publics spécifiques. Enfin, comme l’écrivait l’historien Nicolas Baverez dans la revue Commentaire à l’été 2020, les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats dans la lutte contre l’épidémie sont ceux dans lesquels les institutions représentatives ont le mieux fonctionné. Si les décisions les plus sensibles sont prises en petit comité, sans espace organisé de discussion, ne nous étonnons pas que les gens s’expriment là où ils le peuvent, dans la rue et sur les réseaux sociaux, avec leurs cortèges de haine et de violence.

Le troisième pilier consiste à reprendre le contrôle de la pandémie, avec une stratégie globale conjuguant zéro Covid et vaccination de masse. Nous devons tout d’abord traquer chaque cas, remonter les contacts et les isoler. Alors que nous n’identifions que 2,5 contacts par personne positive, l’Inde a cassé l’épidémie en remontant jusqu’à 37 contacts par cas. Nous devons impérativement organiser l’isolement des contacts : beaucoup a été dit, peu a été fait. Dans ma commune, j’ai proposé à ceux qui devaient s’isoler de les ravitailler ou de promener leur chien…

Multiplier les autotests

La stratégie de dépistage doit être revue et les tests rester gratuits car un test à 25 euros qui permet d’éviter une hospitalisation à 5 000 euros est largement amorti. Les autotests doivent être multipliés : les élèves français ont été testés 100 fois moins que les Britanniques. Sur la vaccination, outre une information transparente, soulignons l’importance d’une organisation agile qui apporte les vaccins là où se trouvent les Français : à leur domicile, sur leur lieu de travail ou de vacances, au collège ou à l’université. Enfin, contrôlons nos frontières en exigeant une vaccination complète pour entrer sur le territoire.

Le quatrième pilier est la vaccination mondiale. Alors que la majorité des Européens est entièrement ou partiellement vaccinée, moins de 3 % des Africains le sont à ce jour entièrement. Or une région où circule librement le virus est une usine à variants : l’apparition d’un seul qui résisterait aux vaccins ruinerait tous nos efforts. Sur les centaines de millions de doses promises par le biais du mécanisme Covax des Nations unies, seulement 152 millions avaient été distribuées en juillet, alors que les doses excédentaires des pays riches suffiraient pour vacciner toute l’Afrique. La France devra faire de ce sujet une des priorités de sa présidence de l’Union.

Depuis dix-huit mois, les pays européens courent derrière le virus au prix d’un état de crise sanitaire permanent. Pour en sortir, la France pourrait prendre l’initiative d’une stratégie rigoureuse, nationale, européenne et mondiale. Sans cela, nous risquons de subir l’épidémie pendant des mois ou des années, empêchant le retour à une vie normale et accentuant notre décrochage. Certains diront qu’il faudrait attendre de se coordonner avec nos partenaires européens. Certes. Mais rien ne nous interdit d’agir seuls dès maintenant. Il ne tient qu’à nous de décider de reprendre notre destin en main.

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