Il faut une autre stratégie vaccinale – Le Journal du Dimanche du 30/01/2021

Il faut une autre stratégie vaccinale

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Contrairement à la Grande-Bretagne ou à l’Allemagne, la France n’a toujours pas adopté de stratégie industrielle sanitaire globale face à la pandémie. C’est particulièrement visible aujourd’hui, alors que seule une vaccination rapide de masse permettra de reprendre le contrôle.

Notre objectif devrait être de vacciner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dans chaque commune de France. Mais, sans revenir sur les débuts laborieux de notre campagne vaccinale, nous n’avons à présent pas suffisamment de doses pour cela, même si la nouvelle donne des variants devrait nous y pousser. Cette pénurie a une double cause : nous n’avons pas commandé assez de vaccins, et les laboratoires dont les médicaments sont autorisés (Pfizer, Moderna) ont des difficultés de production. Il faudra un jour analyser pourquoi l’Union européenne a été si malavisée dans ses commandes, et pourquoi les États membres n’ont pas réagi. En attendant, il nous faut, et rapidement, beaucoup de vaccins. Comment faire ?

Nous proposons que la France négocie directement avec les industriels le rachat de leur licence.

Nous proposons d’abord que la France négocie directement avec les industriels le rachat de leur licence. Pfizer et ­Moderna peuvent être intéressés car dans un an, leur avantageuse situation de monopole aura disparu. Certes, le porte-parole du gouvernement a prétendu que nous le faisions déjà en citant une usine qui allait fabriquer des vaccins, et Sanofi vient de signer un accord avec Pfizer-BioNTech. Mais notre proposition est d’une tout autre nature (l’achat de la licence, pas une simple chaîne de production) et d’une autre ampleur (objectif 100% des Français). Ensuite, il faudra produire. Comment? En utilisant des chaînes de production existantes ou en en armant, en quatre ou six mois, de nouvelles.

Certains ont suggéré de supprimer les brevets des laboratoires et de produire sans leur autorisation. Proposition à oublier : cela reviendrait à flouer ceux qui ont pris des risques industriels et à nous barrer tout accès à d’autres vaccins lors de la prochaine crise. La France doit donc engager sans tarder des discussions pour acheter ces licences, « quoi qu’il en coûte ».

Notre deuxième proposition consiste à mobiliser le riche réseau d’acheteurs de la grande distribution pour se prémunir d’une pénurie de matériel nécessaire à la vaccination (aiguilles, seringues). Ce sont eux qui avaient réussi à acheter des masques quand l’État n’y parvenait pas.

Troisième mesure : nous proposons que toute autorisation de vaccins anti-­Covid délivrée par des pays de même exigence sanitaire que nous (CanadaÉtats-UnisRoyaume-Uni) soit reconnue sur le territoire de l’Union européenne, sans attendre les décisions tardives de l’Agence européenne du médicament. Cette procédure nous aurait par exemple permis de pouvoir immédiatement utiliser le vaccin d’Astra-Zeneca. Pour cela, la France doit saisir en urgence le Conseil, la Commission et le Parlement européens.

Il nous faut envisager dès aujourd’hui une production fluide et massive.

Ces stratégies sont d’autant plus nécessaires que l’on ne connaît pas encore la durée de l’immunité que procure la vaccination. Il nous faut envisager dès aujourd’hui une production fluide et massive si nous devions revacciner chaque année, à l’instar de la grippe. Ce scénario valide le concept d’achat de la licence, qui nous donne une visibilité de long terme. Dans la négociation, les adaptations des vaccins aux variants doivent être prévues.

La guerre contre le coronavirus ne peut pas seulement reposer sur la responsabilité des Français et le dévouement sans faille de soignants épuisés, alors qu’il existe des vaccins efficaces. Si nous voulons ne plus avoir à choisir entre notre liberté et notre santé, nous devons vacciner massivement et vite. Pour y parvenir, le point clé est de raisonner en dehors des sentiers habituels : l’achat des licences, le recours aux acheteurs professionnels, les autorisations de mise sur le marché, et une vaccination 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le pays qui aura vacciné le plus vite, outre qu’il aura sauvé des vies, sortira avec un immense avantage sur tous les autres.

Par Philippe JUVIN et Alexandre JARDIN

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