OPINION. « Pour réduire les déficits, l’État doit vendre son vaste patrimoine immobilier », par Philippe Juvin, député DR des Hauts-de-Seine
Pour réduire la dette, Philippe Juvin, député DR des Hauts-de-Seine, suggère au gouvernement de devenir locataire des bâtiments de l’administration publiques, parfois peu fonctionnels ou inadaptés.
Le Premier ministre François Bayrou a annoncé le 15 juillet dernier une réduction du train de vie de l’État et de ses opérateurs d’environ 10 milliards d’euros. Cet objectif est louable mais ce n’est qu’une goutte d’eau rapportée à l’océan des dépenses publiques (1 670 milliards).
Comment aller plus loin ? Le Premier ministre a évoqué la piste d’une meilleure maîtrise du patrimoine « improductif » de l’État. Selon François Ecalle, spécialiste des finances publiques, les actifs non financiers des administrations publiques s’élevaient en 2023 à 2 800 milliards d’euros, soit l’équivalent de la production nationale de l’année et quasiment celui de la dette.
Parmi eux, le parc immobilier représente une part importante avec 200.000 immeubles pour 94 millions de m² dont 23 millions m² de bureaux. Trois fois plus qu’en Allemagne malgré une population plus importante que la nôtre.
La gravité de notre situation financière doit nous pousser à étudier en détail chaque aspect du train de vie de l’État. Et notamment nous interroger sur l’intérêt, pour les administrations publiques, de rester propriétaires de bâtiments parfois peu fonctionnels ou inadaptés.
L’Etat vend déjà une partie de son patrimoine, mais dans des proportions très faibles (300 millions d’euros en 2023 pour la cession de 645 biens). Il faut passer à la vitesse supérieure. L’approche doit être simple et lisible pour les citoyens. Indiquer ce que l’on ne veut pas vendre : le palais de l’Elysée, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Louvre, l’arc de Triomphe, la Tour Eiffel, tout ce qui a trait à notre identité et à notre sécurité, et vendre tout le reste.
Doit-on vivre sous les moulures d’un hôtel particulier du XVIIe siècle pour gérer une administration ou représenter l’État ?
Pour donner l’exemple, l’Etat pourrait commencer par se défaire des bâtiments des ministères non régaliens, ainsi que des préfectures et sous-préfectures. Doit-on vivre sous les moulures d’un hôtel particulier du XVIIe siècle pour gérer une administration ou représenter l’État ?
La mesure est techniquement faisable et serait rentable. Dans la revue Commentaire, Jean Gatty suggérait que les acheteurs naturels de ce patrimoine immobilier pourraient être les compagnies d’assurance qui détiennent déjà un volume important d’obligations d’État.
Elles trouveraient sans doute sûr et intéressant d’augmenter leurs actifs immobiliers, moins liquides mais plus solides que des obligations d’État soumises au risque théorique de défaut. La mise en vente de 50 à 100 milliards de patrimoine immobilier par an sur 10 à 15 ans permettrait de ne pas noyer le marché.
Locataires plutôt que propriétaires
Les fruits de ces ventes devront être en totalité affectés au remboursement du capital de la dette. Quant à la possibilité d’acheteurs étrangers, elle se fera sans risque de délocalisation, un bâtiment ne pouvant pas se transporter.
Une fois leurs immeubles vendus, les administrations deviendront locataires des bâtiments qu’elles utilisent. Louer une préfecture sera-t-il moins cher qu’en rester propriétaire ? Si ces ventes augmentent les loyers dans le budget public, elles permettront aussi à la France de payer moins d’intérêt et d’éliminer le risque de crédit, en remplaçant le spread coûteux face à l’Allemagne.
Ajoutons que l’État n’a pas les moyens de mettre ses propres bâtiments en conformité avec les normes environnementales, d’accessibilité et de sécurité et que la location résout cette question.
Enfin et surtout, le fait de devenir locataire inciterait l’État et ses agences à avoir une gestion vertueuse de l’usage des locaux en réduisant leur surface. On sortirait de l’illusion que ces imposants bâtiments ne coûtent rien à personne et du malaise d’en voir une partie inoccupée la majorité du temps.
Dans un rapport parlementaire publié en 2023, Véronique Louwagie et Robin Reda avaient indiqué des taux de présence de 50 % dans certains ministères. Il faudra en tirer des enseignements sur les besoins réels en mètres carrés.
Prendre exemple sur ses voisins
Nos voisins européens l’ont fait : le Royaume-Uni, avec le « Governement’s Estate strategy », a réduit les coûts de fonctionnement en rapportant quelques milliards de livres des ventes ; l’Allemagne a créé une agence fédérale gestionnaire de l’immobilier d’État ; l’Italie a vendu des centaines d’immeubles pour éponger sa dette à la fin des années 2010.
C’est aux administrations publiques de rembourser leur dette et non aux citoyens déjà surtaxés en France
La mise en place d’une foncière d’État annoncée par le Premier ministre va dans ce sens, à condition qu’elle soit gérée de manière non-bureaucratique et dotée d’objectifs ambitieux et que la totalité des recettes soit affectée à la réduction de la dette.
La philosophie de cette mesure est claire : c’est aux administrations publiques de rembourser leur dette et non aux citoyens déjà surtaxés en France. Elle a le mérite d’être simple, faisable, et de rapporter beaucoup d’argent.
Elle permettra de réduire la dette de façon indolore pour les Français et de forcer l’administration à des vertus de gestion. Vendre intelligemment, c’est participer à maîtriser les enjeux de souveraineté auxquels nous expose désormais notre endettement record.