Les débats autour du budget présenté mardi en Conseil des ministres, qui prévoit un effort d’une trentaine de milliards d’euros, vont enfin commencer à l’Assemblée. La commission des Finances s’emparera lundi du projet de loi de finances, pour une arrivée prévue dans l’hémicycle vendredi. La bataille entre une gauche traversée de tensions, un socle commun fracturé et l’extrême droite s’annonce dantesque, dans des délais très contraints.
Dans une discussion budgétaire sans 49.3, quel sera votre rôle en tant que rapporteur général du budget ?
J’ai entendu le Premier ministre dire que ce ne sera pas son budget mais celui du Parlement. Dans mon rôle de rapporteur général, je suis la voix du Parlement et non la voix du gouvernement.
J’ai prévenu les ministres que je donnerai parfois des avis favorables, parfois défavorables sur les articles du budget. Depuis une semaine, je vois les représentants de tous les groupes, j’écoute leurs lignes rouges, leurs totems, et je leur propose d’expertiser leurs propositions.
Nous allons nous opposer entre députés sur un certain nombre de mesures, mais je veux créer les conditions optimales de la discussion. Je veux que chacun puisse considérer que ce budget est le sien, parce qu’à la fin, il faudra bien qu’on ait une majorité pour le voter !
Quel doit être l’ampleur de l’effort pour réduire le déficit ?
La priorité est de stabiliser la dette et d’avoir un déficit sous les 3 % en 2029. Pour cela, il faut garder pour objectif de ramener le déficit à 4,7 % du PIB l’an prochain. J’entends le gouvernement évoquer une ligne rouge à 5 %. Ce serait trop. Tout effort qu’on ne fait pas maintenant sera plus compliqué à faire les années suivantes.
Le gouvernement prévoit 17 milliards d’efforts sur les dépenses et 14 milliards sur les recettes. Je souhaite qu’on revoie fortement cet équilibre pour que l’effort porte en priorité sur les dépenses et plus fortement encore sur celles-ci. L’an dernier, le gouvernement Barnier avait revendiqué deux tiers des efforts en dépenses, et on avait fini à 100 % liés aux recettes !
Les groupes politiques joueront-ils le jeu ?
Nous allons limiter le nombre d’amendements afin que le débat puisse arriver à son terme. L’idée, en accord avec le président de la commission des Finances, Eric Coquerel, est de concentrer les discussions longues sur des points fondamentaux, afin que la discussion soit la plus ramassée possible. On va essayer de limiter le bavardage. Faisons de l’économie plutôt que de la politique !
Sans cela, craignez-vous que le budget soit appliqué par ordonnances ?
Si l’Assemblée dépasse les quarante jours de discussion sur la partie recettes, on passe la copie au Sénat et on se retrouve en commission mixte paritaire avec la copie du Sénat.
Autre risque, si le Parlement ne s’est pas prononcé dans les soixante-dix jours, la Constitution prévoit que les dispositions du projet puissent être mises en vigueur par ordonnance. Chacun a la règle en tête et tout le monde veut arriver à une discussion complète. Je crois que c’est possible.
Vous allez commencer l’examen du budget par les recettes. Comment jugez-vous la copie du gouvernement ?
Le projet de budget comporte 14 milliards de hausses d’impôts, c’est beaucoup trop. Je connais bien l’inventivité fiscale de chacun et mon rôle lors des débats va être de la freiner au maximum. Il faut le moins d’impôts possible dans le budget 2026.
La taxe holding est critiquée pour sa complexité et son rendement incertain. Faut-il amender ce dispositif ?
En l’état, je donnerai un avis défavorable sur cet article, car cette taxe aura des effets sur des milliers de PME. Au prétexte qu’une poignée de sociétés auraient des comportements abusifs, je crains qu’on pénalise la trésorerie de 20.000 à 30.000 PME et qu’on les mette en danger.
Parce que je partage l’objectif de justice fiscale du gouvernement, je vais donc faire des propositions pour ne pas toucher aux trésoreries productives et dresser une liste de « biens somptuaires » qui ne sont pas en lien avec l’activité.
Derrière cela, craignez-vous que l’on touche au pacte Dutreil sur les transmissions ?
A ce stade, je suis satisfait de voir qu’aucune mesure en ce sens ne figure dans le budget. Malgré le prochain rapport de la Cour des comptes qui prévoit une révision importante de son coût à quelque 4 milliards d’euros pour les finances publiques, je ne souhaite pas que l’on touche à ce dispositif qui fonctionne bien, ou alors à la marge.
Souhaitez-vous modifier d’autres mesures fiscales importantes du texte ?
La transformation de l’abattement de 10 % en forfait de 2.000 euros pour les retraités me paraît un peu abrupte pour certains contribuables, sachant qu’un effort important est déjà demandé avec le gel des pensions. Une solution pourrait être de maintenir l’abattement de 10 %, en abaissant le plafond de l’avantage fiscal (4.399 euros par foyer). Il faudra avoir ce débat.
Sur les colis importés, vous voulez aller plus loin que le gouvernement qui prévoit de les taxer à 2 euros. Comment ?
Je crois à la concurrence mais à condition qu’elle soit loyale. Ce n’est pas le cas avec le textile chinois qui tue le petit commerce de nos communes. Cette taxe de 2 euros est largement insuffisante pour sauver le petit commerce face aux mastodontes chinois comme Shein ou Temu. Mais si la France augmente trop fortement la taxe sur les petits colis sans que ses voisins européens le fassent également, ces colis seront dédouanés à Liège plutôt qu’à Roissy.
Je réfléchis donc à un dispositif qui ne taxe pas directement les petits colis, mais qui vise directement l’activité économique de ces plateformes, inspiré par exemple de ce que fait déjà la France avec la taxe Gafa.
Faut-il créer de nouveaux dispositifs pour soutenir le logement ?
Il n’y a pas de mesures logement dans le PLF. Or, nous avons un nombre de logements insuffisant en zones tendues. Il faudrait inventer un nouveau dispositif d’investissement de type Pinel, mais qui coûterait moins cher et durerait moins longtemps. J’attends les propositions de mes collègues. Il faut y travailler.
Le PLF prévoit de baisser les seuils de franchise de TVA applicables aux autoentrepreneurs. Qu’en pensez-vous ?
L’Assemblée a voté à l’unanimité une proposition de loi pour abroger la baisse des seuils, adoptée dans le budget l’an passé. Ça me paraît compliqué qu’on ne la retrouve pas dans le texte ! S’il y a des abus, qui créent des situations de concurrence déloyale dans le bâtiment en particulier, que l’inspection du travail fasse son boulot.
Quelles sont vos propositions pour baisser les dépenses publiques ?
Le projet prévoit une augmentation de 8.459 emplois pour l’Etat. Je vais faire une proposition pour être à zéro, sauf pour l’Intérieur, la Justice et les Armées. Il faut revoir les effectifs dans l’Education nationale pour tenir compte de la démographie : il y a moins d’enfants, il faut donc moins de professeurs en proportion.
Quelles autres mesures d’économies proposerez-vous ?
Je vais proposer le gel des avancements automatiques de la fonction publique d’Etat, en exemptant les agents de catégorie C qui ont des petits revenus. Cela représente 1,3 milliard d’euros de dépenses en moins. Je proposerai aussi le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois qui part à la retraite, pour un gain au minimum de 400 millions d’euros. Enfin, je défendrai une année blanche sur les taxes affectées à un certain nombre d’opérateurs. Le surplus remplira les caisses de l’Etat. Cela pourrait rapporter 1 milliard d’euros.
Les Français ont le fantasme de la grosse fuite ou du gros gisement qu’on n’a pas encore découvert. La réalité est qu’il n’y a pas une fuite énorme mais des dizaines de milliers de petites fuites.
Etes-vous toujours favorable à un vaste plan de départ des fonctionnaires ?
Environ 20 % des fonctionnaires expriment la volonté d’avoir une deuxième carrière. Je souhaite donner aux volontaires la possibilité de partir en leur proposant une incitation financière. Ma proposition est que les fonctionnaires volontaires puissent quitter la fonction publique et toucher 70 % de leur salaire, qui s’ajouterait aux revenus de leur nouvelle activité (hors retraite). Mais cela ne fonctionnerait qu’au prix d’une vaste réorganisation.
Environ 20 % des fonctionnaires expriment la volonté d’avoir une deuxième carrière. Je souhaite donner aux volontaires la possibilité de partir en leur proposant une incitation financière. Ma proposition est que les fonctionnaires volontaires puissent quitter la fonction publique et toucher 70 % de leur salaire, qui s’ajouterait aux revenus de leur nouvelle activité (hors retraite). Mais cela ne fonctionnerait qu’au prix d’une vaste réorganisation.
Cette disposition aurait du mal à trouver sa place dans une loi de finances, mais je discute avec le gouvernement d’une expérimentation au niveau d’un ministère.
Lire l’article sur le site des Echos

