Mon entretien dans Les Echos – 18 octobre

Les dĂ©bats autour du budget prĂ©sentĂ© mardi en Conseil des ministres, qui prĂ©voit un effort d’une trentaine de milliards d’euros, vont enfin commencer Ă  l’AssemblĂ©e. La commission des Finances s’emparera lundi du projet de loi de finances, pour une arrivĂ©e prĂ©vue dans l’hĂ©micycle vendredi. La bataille entre une gauche traversĂ©e de tensions, un socle commun fracturĂ© et l’extrĂŞme droite s’annonce dantesque, dans des dĂ©lais très contraints. 

Dans une discussion budgétaire sans 49.3, quel sera votre rôle en tant que rapporteur général du budget ? 

J’ai entendu le Premier ministre dire que ce ne sera pas son budget mais celui du Parlement. Dans mon rĂ´le de rapporteur gĂ©nĂ©ral, je suis la voix du Parlement et non la voix du gouvernement. 

J’ai prĂ©venu les ministres que je donnerai parfois des avis favorables, parfois dĂ©favorables sur les articles du budget. Depuis une semaine, je vois les reprĂ©sentants de tous les groupes, j’Ă©coute leurs lignes rouges, leurs totems, et je leur propose d’expertiser leurs propositions. 

Nous allons nous opposer entre dĂ©putĂ©s sur un certain nombre de mesures, mais je veux crĂ©er les conditions optimales de la discussion. Je veux que chacun puisse considĂ©rer que ce budget est le sien, parce qu’Ă  la fin, il faudra bien qu’on ait une majoritĂ© pour le voter ! 

 Quel doit ĂŞtre l’ampleur de l’effort pour rĂ©duire le dĂ©ficit ? 

La prioritĂ© est de stabiliser la dette et d’avoir un dĂ©ficit sous les 3 % en 2029. Pour cela, il faut garder pour objectif de ramener le dĂ©ficit Ă  4,7 % du PIB l’an prochain. J’entends le gouvernement Ă©voquer une ligne rouge Ă  5 %. Ce serait trop. Tout effort qu’on ne fait pas maintenant sera plus compliquĂ© Ă  faire les annĂ©es suivantes. 

Le gouvernement prĂ©voit 17 milliards d’efforts sur les dĂ©penses et 14 milliards sur les recettes. Je souhaite qu’on revoie fortement cet Ă©quilibre pour que l’effort porte en prioritĂ© sur les dĂ©penses et plus fortement encore sur celles-ci. L’an dernier, le gouvernement Barnier avait revendiquĂ© deux tiers des efforts en dĂ©penses, et on avait fini Ă  100 % liĂ©s aux recettes ! 

Les groupes politiques joueront-ils le jeu ? 

Nous allons limiter le nombre d’amendements afin que le dĂ©bat puisse arriver Ă  son terme. L’idĂ©e, en accord avec le prĂ©sident de la commission des Finances, Eric Coquerel, est de concentrer les discussions longues sur des points fondamentaux, afin que la discussion soit la plus ramassĂ©e possible. On va essayer de limiter le bavardage. Faisons de l’Ă©conomie plutĂ´t que de la politique ! 

Sans cela, craignez-vous que le budget soit appliqué par ordonnances ? 

Si l’AssemblĂ©e dĂ©passe les quarante jours de discussion sur la partie recettes, on passe la copie au SĂ©nat et on se retrouve en commission mixte paritaire avec la copie du SĂ©nat. 

Autre risque, si le Parlement ne s’est pas prononcĂ© dans les soixante-dix jours, la Constitution prĂ©voit que les dispositions du projet puissent ĂŞtre mises en vigueur par ordonnance. Chacun a la règle en tĂŞte et tout le monde veut arriver Ă  une discussion complète. Je crois que c’est possible.

Vous allez commencer l’examen du budget par les recettes. Comment jugez-vous la copie du gouvernement ? 

Le projet de budget comporte 14 milliards de hausses d’impĂ´ts, c’est beaucoup trop. Je connais bien l’inventivitĂ© fiscale de chacun et mon rĂ´le lors des dĂ©bats va ĂŞtre de la freiner au maximum. Il faut le moins d’impĂ´ts possible dans le budget 2026. 

La taxe holding est critiquée pour sa complexité et son rendement incertain. Faut-il amender ce dispositif ? 

En l’Ă©tat, je donnerai un avis dĂ©favorable sur cet article, car cette taxe aura des effets sur des milliers de PME. Au prĂ©texte qu’une poignĂ©e de sociĂ©tĂ©s auraient des comportements abusifs, je crains qu’on pĂ©nalise la trĂ©sorerie de 20.000 Ă  30.000 PME et qu’on les mette en danger. 

Parce que je partage l’objectif de justice fiscale du gouvernement, je vais donc faire des propositions pour ne pas toucher aux trĂ©soreries productives et dresser une liste de « biens somptuaires » qui ne sont pas en lien avec l’activitĂ©. 

Derrière cela, craignez-vous que l’on touche au pacte Dutreil sur les transmissions ?

A ce stade, je suis satisfait de voir qu’aucune mesure en ce sens ne figure dans le budget. MalgrĂ© le prochain rapport de la Cour des comptes qui prĂ©voit une rĂ©vision importante de son coĂ»t Ă  quelque 4 milliards d’euros pour les finances publiques, je ne souhaite pas que l’on touche à ce dispositif qui fonctionne bien, ou alors Ă  la marge. 

Souhaitez-vous modifier d’autres mesures fiscales importantes du texte ? 

La transformation de l’abattement de 10 % en forfait de 2.000 euros pour les retraitĂ©s me paraĂ®t un peu abrupte pour certains contribuables, sachant qu’un effort important est dĂ©jĂ  demandĂ© avec le gel des pensions. Une solution pourrait ĂŞtre de maintenir l’abattement de 10 %, en abaissant le plafond de l’avantage fiscal (4.399 euros par foyer). Il faudra avoir ce dĂ©bat. 

Sur les colis importés, vous voulez aller plus loin que le gouvernement qui prévoit de les taxer à 2 euros. Comment ? 

Je crois Ă  la concurrence mais Ă  condition qu’elle soit loyale. Ce n’est pas le cas avec le textile chinois qui tue le petit commerce de nos communes. Cette taxe de 2 euros est largement insuffisante pour sauver le petit commerce face aux mastodontes chinois comme Shein ou Temu. Mais si la France augmente trop fortement la taxe sur les petits colis sans que ses voisins europĂ©ens le fassent Ă©galement, ces colis seront dĂ©douanĂ©s Ă  Liège plutĂ´t qu’Ă  Roissy. 

Je rĂ©flĂ©chis donc Ă  un dispositif qui ne taxe pas directement les petits colis, mais qui vise directement l’activitĂ© Ă©conomique de ces plateformes, inspirĂ© par exemple de ce que fait dĂ©jĂ  la France avec la taxe Gafa. 

 Faut-il créer de nouveaux dispositifs pour soutenir le logement ? 

Il n’y a pas de mesures logement dans le PLF. Or, nous avons un nombre de logements insuffisant en zones tendues. Il faudrait inventer un nouveau dispositif d’investissement de type Pinel, mais qui coĂ»terait moins cher et durerait moins longtemps. J’attends les propositions de mes collègues. Il faut y travailler. 

Le PLF prĂ©voit de baisser les seuils de franchise de TVA applicables aux autoentrepreneurs. Qu’en pensez-vous ? 

L’AssemblĂ©e a votĂ© Ă  l’unanimitĂ© une proposition de loi pour abroger la baisse des seuils, adoptĂ©e dans le budget l’an passĂ©. Ça me paraĂ®t compliquĂ© qu’on ne la retrouve pas dans le texte ! S’il y a des abus, qui crĂ©ent des situations de concurrence dĂ©loyale dans le bâtiment en particulier, que l’inspection du travail fasse son boulot. 

Quelles sont vos propositions pour baisser les dépenses publiques ?

Le projet prĂ©voit une augmentation de 8.459 emplois pour l’Etat. Je vais faire une proposition pour ĂŞtre Ă  zĂ©ro, sauf pour l’IntĂ©rieur, la Justice et les ArmĂ©es. Il faut revoir les effectifs dans l’Education nationale pour tenir compte de la dĂ©mographie : il y a moins d’enfants, il faut donc moins de professeurs en proportion. 

Quelles autres mesures d’Ă©conomies proposerez-vous ?

Je vais proposer le gel des avancements automatiques de la fonction publique d’Etat, en exemptant les agents de catĂ©gorie C qui ont des petits revenus. Cela reprĂ©sente 1,3 milliard d’euros de dĂ©penses en moins. Je proposerai aussi le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois qui part Ă  la retraite, pour un gain au minimum de 400 millions d’euros. Enfin, je dĂ©fendrai une annĂ©e blanche sur les taxes affectĂ©es Ă  un certain nombre d’opĂ©rateurs. Le surplus remplira les caisses de l’Etat. Cela pourrait rapporter 1 milliard d’euros. 

Les Français ont le fantasme de la grosse fuite ou du gros gisement qu’on n’a pas encore dĂ©couvert. La rĂ©alitĂ© est qu’il n’y a pas une fuite Ă©norme mais des dizaines de milliers de petites fuites. 

Etes-vous toujours favorable à un vaste plan de départ des fonctionnaires ? 

Environ 20 % des fonctionnaires expriment la volontĂ© d’avoir une deuxième carrière. Je souhaite donner aux volontaires la possibilitĂ© de partir en leur proposant une incitation financière. Ma proposition est que les fonctionnaires volontaires puissent quitter la fonction publique et toucher 70 % de leur salaire, qui s’ajouterait aux revenus de leur nouvelle activitĂ© (hors retraite). Mais cela ne fonctionnerait qu’au prix d’une vaste rĂ©organisation. 

Environ 20 % des fonctionnaires expriment la volontĂ© d’avoir une deuxième carrière. Je souhaite donner aux volontaires la possibilitĂ© de partir en leur proposant une incitation financière. Ma proposition est que les fonctionnaires volontaires puissent quitter la fonction publique et toucher 70 % de leur salaire, qui s’ajouterait aux revenus de leur nouvelle activitĂ© (hors retraite). Mais cela ne fonctionnerait qu’au prix d’une vaste rĂ©organisation. 

Cette disposition aurait du mal Ă  trouver sa place dans une loi de finances, mais je discute avec le gouvernement d’une expĂ©rimentation au niveau d’un ministère. 

Lire l’article sur le site des Echos 

D'autres publications