Mon entretien dans le JDD – 19 octobre

Le rapporteur général du budget à l’Assemblée appelle à la rigueur et à la responsabilité. Favorable à un gel des promotions dans la fonction publique, Philippe Juvin fustige la « facilité fiscale » et dénonce une France « paralysée mentalement » dès qu’il s’agit de réformer.

Est-il vraiment possible que le budget soit adopté avant le 31 décembre ?

Oui, c’est crédible. Nous sommes dans le délai constitutionnel de soixante-dix jours. Le vrai sujet, c’est de tenir les débats à l’Assemblée dans les quarante jours impartis. Avec Éric Coquerel, le président de la commission des Finances, nous nous sommes mis d’accord sur des règles de débat pour éviter les manœuvres visant à retarder le processus. Chacun doit pouvoir défendre ses positions, mais dans un cadre qui permette d’aboutir. Si le Parlement ne se prononçait pas à temps, le gouvernement pourrait appliquer le budget par ordonnances. Ce serait alors un échec collectif. Cela reviendrait à admettre que nous sommes incapables de débattre sérieusement de la dépense publique.

Est-il réaliste d’atteindre 31 milliards d’euros d’économies avec 17 milliards de hausses d’impôts et 14 milliards de coupes ?

Je souhaite que les économies portent principalement sur les dépenses, et non sur les recettes. Mon rôle, c’est d’y veiller et, si possible, d’aller au-delà de la copie initiale. La grande différence cette année, c’est que le Premier ministre nous a dit que le budget était amendable. Eh bien, je le prends au mot. Certaines dispositions ne me conviennent pas, notamment les hausses de prélèvements obligatoires, qui sont délétères pour l’activité économique. Ce n’est pas en taxant davantage qu’on recrée de la croissance. Ma crainte, c’est qu’on choisisse encore la facilité fiscale de la taxe au détriment de l’investissement.

Laquelle de ces hausses vous paraît la plus problématique ?

La taxe de 2 % sur les holdings me paraît particulièrement dangereuse. Elle revient à taxer le patrimoine des PME. Le mot holding n’existe même pas en droit commercial français : il évoque, dans l’imaginaire collectif, le grand patron au cigare et à la grosse voiture. En réalité, cette taxe toucherait près de 20 000 entreprises, souvent familiales, en frappant leur trésorerie — autrement dit leurs réserves destinées à préparer l’avenir. Un tel dispositif enverrait un très mauvais signal : au lieu de favoriser la confiance et la stabilité, il pénaliserait ceux qui investissent et anticipent.

La droite peut-elle accepter autant de hausses d’impôts ?

Non. La droite, c’est laNon. La droite, c’est la responsabilité : mieux dépenser et moins dépenser. Les 17 milliards d’économies annoncés vont dans la bonne direction, mais c’est insuffisant. En France, on se raconte l’histoire d’une “grande fuite” budgétaire qu’il suffirait de colmater. En réalité, il y en a des milliers, dispersées, protégées chacune par un lobby, une administration, un ministère. Et derrière chaque fuite, quelqu’un qui dit : « Ne touchez pas à la mienne. » responsabilité : mieux dépenser et moins dépenser. Les 17 milliards d’économies annoncés vont dans la bonne direction, mais c’est insuffisant. En France, on se raconte l’histoire d’une “grande fuite” budgétaire qu’il suffirait de colmater. En réalité, il y en a des milliers, dispersées, protégées chacune par un lobby, une administration, un ministère. Et derrière chaque fuite, quelqu’un qui dit : « Ne touchez pas à la mienne. »

Quelles seraient vos priorités ?

Je suis par exemple favorable à un gel de l’avancement des fonctionnaires de l’Etat pendant un an : cela représente jusqu’à 1,4 milliard d’euros d’économies. Et je ne parle pas de supprimer des postes, simplement de modérer la progression salariale. Autre exemple : les effectifs de l’État. Ils vont encore augmenter de 8 459 postes, dont 5 400 à l’Éducation nationale, alors que le nombre d’élèves baisse. Ce n’est pas sérieux. Je veux aussi réévaluer MaPrimeRénov’, souvent inefficace, et recentrer le dispositif sur les logements les plus précaires. Enfin, je propose que les agences et opérateurs publics reversent à l’État toute hausse de recettes en 2026 par rapport à 2025. Cet argent n’est pas le leur : il appartient à la collectivité.

Comment expliquer aux Français qu’on cherche 30 milliards d’économies alors que la seule charge de la dette dépassera 60 milliards l’an prochain ?

Parce que l’enjeu, ce n’est pas de tout couper, c’est de stabiliser la dette. Le Conseil d’analyse économique estime qu’il faudrait un effort total de 112 milliards d’euros plus le tendanciel. Il propose trois scénarios : rapide (en quatre ans), lent (en douze ans) et médian (en six ans). Le scénario médian représente un effort d’environ 27 milliards par an plus six de tendanciel : c’est proche du chiffre retenu par le gouvernement. Je préfère une trajectoire réaliste et soutenable. Si vous tentez de faire 112 milliards en une seule année, vous tuez l’économie.Parce que l’enjeu, ce n’est pas de tout couper, c’est de stabiliser la dette. Le Conseil d’analyse économique estime qu’il faudrait un effort total de 112 milliards d’euros plus le tendanciel. Il propose trois scénarios : rapide (en quatre ans), lent (en douze ans) et médian (en six ans). Le scénario médian représente un effort d’environ 27 milliards par an plus six de tendanciel : c’est proche du chiffre retenu par le gouvernement. Je préfère une trajectoire réaliste et soutenable. Si vous tentez de faire 112 milliards en une seule année, vous tuez l’économie.

La suspension de la réforme des retraites remet-elle en cause la crédibilité de la France ?

Cette suspension envoie un message désastreux : celui d’un pays qui renonce à réformer dès que la rue s’agite. Elle risque de réinstaller dans les esprits l’idée que tout peut être repoussé, que rien n’est jamais urgent. On va encore perdre cinq ans de débat politique : au lieu de parler de 67 ans, on discutera encore des 64 ans lors de la prochaine présidentielle. C’est une forme de paralysie mentale. A court terme, c’est bien plus un problème psychologique qu’un problème budgétaire. 

Le Parti socialiste s’est-il fait piéger avec cet amendement dans le PLFSS ?

Ils soutiennent la suspension des retraites tout en dénonçant l’insuffisance des recettes. Et maintenant, ils en inventent de nouvelles. 

Craignez-vous que le débat budgétaire vire à la “boucherie fiscale” ?

C’est un risque, oui. Augmenter les impôts, c’est la solution de facilité : on évite ainsi de se poser les vraies questions sur la dépense. J’espère que le budget sera traité comme un objet économique, et non comme un objet d’abord politique ou moral. Dès qu’on moralise l’économie, on perd la clarté du raisonnement. L’objectif doit rester simple : l’efficacité et la création de richesses, au service du pays. Dépenser moins, dépenser mieux et produire plus pour le bien de tous. C’est un risque, oui. Augmenter les impôts, c’est la solution de facilité : on évite ainsi de se poser les vraies questions sur la dépense. J’espère que le budget sera traité comme un objet économique, et non comme un objet d’abord politique ou moral. Dès qu’on moralise l’économie, on perd la clarté du raisonnement. L’objectif doit rester simple : l’efficacité et la création de richesses, au service du pays. Dépenser moins, dépenser mieux et produire plus pour le bien de tous. 

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