Député Les Républicains des Hauts-de-Seine et professeur de médecine, Philippe Juvin plaide pour un recours massif aux médecins étrangers comme solution aux déserts médicaux.
Selon Edouard Philippe, la France aura besoin à l’avenir d’une immigration de travail. Il cite notamment le cas des médecins et des aides-soignants. A-t-il raison ?
Les médecins diplômés à l’étranger hors Union européenne, les PADHUE (Praticiens à diplôme hors Union européenne), représentent aujourd’hui 8% du corps médical en activité. Ils étaient 8 000 en 2010. Ils sont 19 000 en exercice aujourd’hui. Ils viennent majoritairement d’Algérie, à 38 %, de Tunisie, à 15 %, de Syrie et du Maroc. Quand ils arrivent en France, ils passent des examens de validation de leurs connaissances et exercent pendant deux ans à l’hôpital comme praticiens associés. Ensuite, deux tiers d’entre eux exercent comme salariés, les autres comme libéraux. Ils sont indispensables. Sans eux, notre système de santé s’arrête.
En faudrait-il davantage selon vous ?
Il faut en faire venir davantage, oui, mais cela doit s’organiser, avec une vraie stratégie. En 2023, ils étaient 20 000 candidats à vouloir venir exercer en France. A l’issue du concours, on en avait pris 2700. Pourquoi 2 700 ? Pourquoi pas 6 000 ou davantage s’ils sont au niveau ? Personne n’en sait rien. Parce que la vision qui domine au niveau du ministère de la Santé est uniquement administrative. Elle n’est tournée ni vers la qualité des soins, ni vers les besoins réels du pays. Et ce qui m’inquiète c’est que, au motif d’un besoin de masse, on est en train de créer des filières qui garantissent de moins en moins la qualité des soins.
« Je suis favorable à une immigration qui réponde aux besoins du pays. S’il y a 20 000 postes de médecins vacants en France, il faut qu’on en prenne 20 000 s’ils ont le niveau »
Le recours aux médecins étrangers est-il la solution aux déserts médicaux ?
Oui, parce que ce sont des médecins qui peuvent arriver très vite. En seulement deux ans, vous pouvez avoir un médecin formé. Il est donc nécessaire de s’engager volontairement dans cette voie, tout en accélérant sur le numerus clausus pour former davantage de jeunes médecins. Je suis favorable à une immigration qui réponde aux besoins du pays. S’il y a 20 000 postes de médecins vacants en France, il faut qu’on en prenne 20 000 s’ils ont le niveau.
Ces médecins étrangers ne risquent-ils pas, demain, d’occuper les emplois des actuels étudiants en médecine ?
La France sera confrontée à un déficit de médecins dans les vingt années à venir. Le relèvement du numerus clausus est encore clairement insuffisant, notamment parce que les médecins d’aujourd’hui ne veulent pas travailler autant que leurs prédécesseurs. Les nouvelles générations voudront avoir des journées de travail moins longues. Beaucoup aussi souhaitent quitter l’hôpital après 50 ans parce qu’ils sont épuisés. Nous n’aurons pas de sitôt un surplus de médecins !
« Le problème, c’est que notre immigration est aujourd’hui une des moins qualifiées de l’Union européenne »
Finalement, l’immigration est-elle une chance, contrairement à ce que dit le président de LR, Bruno Retailleau ?
A condition qu’elle soit choisie, et qu’il s’agisse de personnes qui apportent une valeur ajoutée à la collectivité. Médecins ou infirmières, on a besoin de gens qualifiés. Le problème, c’est que notre immigration est aujourd’hui une des moins qualifiées de l’Union européenne.
