Aide active à mourir : que va permettre la nouvelle loi française ?
- Avec Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital Pompidou
- Denis Labayle, médecin, essayiste
La loi, ouvrant une aide active à mourir, a été votée à l’Assemblée nationale le 27 mai dernier par 305 voix contre 199. Mais le Sénat ne s’est pas encore prononcé et la discussion est loin d’être close. Alain Finkielkraut va la poursuivre avec ses deux invités, grands médecins hospitaliers. Il leur demanderai d’entrée de jeu ce que contient ce texte de loi et si, selon eux, il va dans le bon sens, s’ils y voient un progrès salutaire ou au contraire une inquiétante régression.
Il reçoit Philippe Juvin, Professeur chef du Service des Urgences à l’Hôpital Georges Pompidou, député des Hauts de Seine et porte-parole de l’opposition à la loi, et Denis Labayle, médecin, essayiste, auteur de Le médecin, la liberté et la mort paru aux éditions Plon.
Les cinq conditions pour accéder à l’aide à mourir
Pour accéder à l’aide à mourir, le malade devra remplir cinq conditions : être majeur, être français ou résident étranger régulier et stable en France, être atteint d’une affection grave et incurable – quelle qu’en soit la cause – qui engage le pronostic vital en phase avancée ou terminale, présenter une souffrance physique ou psychologique constante réfractaire au traitement, être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Philippe Juvin revient sur l’expression. C’est une loi qui s’intitule « aide à mourir » – le mot euthanasie et suicide assisté n’est nulle part dans la loi – qui permet à un certain nombre de gens majeurs plus de 18 ans qui sont atteints d’affections graves invalidantes avec un pronostic vital engagé mais sans délai – « c’est-à-dire que vous pouvez avoir plusieurs années à vivre et être intégré dans la loi » – et qui présentent une souffrance physique ou psychologique, de demander une aide à mourir, à condition qu’il puisse avoir ce qu’on appelle un consentement libre qui est lui-même défini dans la loi. « Un consentement libre et éclairé, c’est un consentement dont le discernement n’est pas gravement altéré. Donc on peut imaginer qu’un discernement un peu altéré, et vous voyez déjà la difficulté à juger tout ça, permet de bénéficier de la loi ».
Une loi dont les critères en réalité ne sont pas suffisamment stricts
C’est une loi dont les critères ne seront en réalité pas suffisamment stricts, rappelle Philippe Juvin. « Pas d’avis obligatoire de psychiatre, pas d’avis obligatoire d’un juge, pas d’exclusion d’un certain nombre de populations qui nous inquiètent, en particulier les malades psychiatriques, les déficients mentaux, ne sont pas exclus à priori. Et enfin, ça pourra se faire dans tous les lieux, sauf les voies publiques quand même. C’est-à-dire évidemment les EHPAD, les hôpitaux, les prisons« .
Denis Labayle rappelle que cela fait 40 ans que le sujet est débattu, même au Parlement et au Sénat, que cela fait 20 ans que les Français réclament un changement radical de la loi et des lois qui ont été promulguées, des années que « cette loi de liberté » est attendue, que « même si elle n’est pas parfaite, c’est une porte ouverte », et que c’est essentiel. il fait la comparaison avec les pays qui nous entourent. « Nous sommes l’un des derniers à évoluer ».
La liberté de choisir sa mort
Denis Labayle explique que ce sont les malades qui l’ont formé, qu’il n’a pas d’idéologie préconçue, qu’il est issu d’une famille catholique, avec des principes religieux au départ. Il nous rappelle le contact avec la souffrance, « on est confronté à une sorte de création d’une alliance avec le malade ». Et cette alliance aboutit à une écoute. « Alors, soit on ne les écoute pas et on garde des principes – des principes personnels que je respecte – soit on les écoute. Donc en fait, j’ai mis le doigt dans un engrenage et il m’a semblé important que ce combat en faveur du choix des malades, la liberté de choisir, soit quelque chose de fondamental. La liberté, c’est l’un des critères de la République. »
Sources bibliographiques
- Denis Labayle, Le médecin, la liberté et la mort, Pour le droit de choisir sa fin de vie, Plon 2022.
- Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, Folio 2019
- George Steiner avec Laure Adler, Entretiens – Un long samedi, Flammarion 2014.
- Denis Labayle, Adelaïde Hautval, la psychiatre qui a tenu tête aux médecins nazis, Plon 2025.