Retrouvez ci-dessous l’intégralité de ma tribune dans Le Figaro : «Les leçons à retenir pour se préparer à une éventuelle seconde vague» #FigaroVox

Depuis le déconfinement, la question est sans cesse posée. Y aura-t-il une seconde vague? Quelques éléments peuvent la faire craindre: persistance d’une activité virale circulante et réapparition de quelques cas, mouvements de populations facilitant la dissémination, existence de clusters de plus en plus nombreux, dont certains sont difficilement contrôlables, insuffisance du contrôle aux frontières, trop faible utilisation des tests, relâchement des gestes barrières. Sans oublier l’évolution du virus, dont on ignore aujourd’hui les conséquences.

Dans plusieurs pays, on a vu une reprise de l’épidémie. Un tel scénario n’est malheureusement pas exclu en France, avec pour conséquence la nécessité de reconfiner partiellement. Mais heureusement, plusieurs facteurs laissent espérer un scénario plus rassurant. Nous disposons de plus de masques et de tests qu’au mois de mars. La population est globalement plus avertie et plus prudente. Et l’immunité acquise est sans doute plus importante que le simple pourcentage de personnes ayant des anticorps pourrait le laisser supposer, grâce à l’immunité cellulaire et à de possibles immunités croisées. Enfin, il n’y a pas eu d’effet «Fête de la musique»: les grands rassemblements qui se sont déroulés depuis le déconfinement n’ont pas provoqué la vague que l’on craignait.

En fait, la question n’est pas de savoir s’il y aura une seconde vague. Mais si nous serons prêts si une telle vague survenait, ou tout autre événement majeur (épidémique, terroriste chimique, bactériologique ou radioactif, industriel…) La réponse est oui, si nous tirons les leçons de la déroute de mars.

Si nous voulons être prêts en cas d’une nouvelle crise, il faut avant tout clarifier un point: qui dirige les opérations? Le président, le premier ministre, le ministre de l’Intérieur, le ministre ou le directeur général de la Santé? Les choses ne sont toujours pas claires. Notons que si le déconfinement a été mieux mené que le confinement, c’est peut-être parce qu’existait en mai le pilote unique qui avait manqué en mars.

La seconde leçon concerne l’alerte. Pourquoi les autorités n’ont-elles pas vu venir la vague, malgré les alertes de l’OMS et de nos voisins? Le fait de ne pas tester précocement a été une erreur évidente. Mais la question se pose aussi des indicateurs d’alerte. Utilisons-nous le meilleur de l’innovation en matière de recueil et d’analyse?

La troisième problématique à résoudre concerne la machine d’État, qui a toujours eu un train de retard pour prendre ou appliquer une décision. Encore récemment, combien d’immobilismes aura-t-on dû vaincre pour rendre le masque obligatoire dans les lieux publics clos! Comment rendre l’État plus agile? La question est complexe. Mais une réponse est dans le profil très monochrome des hauts fonctionnaires dont certains ont été complètement dépassés par le caractère inédit des questions qui se posaient, et la nécessité de réfléchir en dehors des cadres habituels.

Le millefeuille administratif a aggravé les choses en complexifiant les circuits là où il aurait fallu les simplifier. On a enfin trop décidé d’en haut et sans concertation avec le terrain: les faibles flux d’approvisionnement en masques se sont brutalement effondrés après leur réquisition décrétée par l’État.

La quatrième question est celle de notre préparation. Le plan pandémie n’avait plus été mis à jour depuis des années. La France doit évidemment se doter de plans d’action, pratiques et opérationnels, pour chacun des périls qui nous menacent.

La cinquième leçon doit être celle de la logistique. On a manqué de tout: masques, tests, lits de réanimation, gants, médicaments, blouses… Nous devons constituer des stocks stratégiques pour encaisser le premier choc, et nous protéger d’une rupture des flux mondiaux d’approvisionnement grâce à des capacités industrielles locales minimales. La question vaut dans tous les domaines. Un général avait même récemment l’air de douter de notre capacité à produire rapidement des munitions pour nos armées, sans l’aide de l’étranger, si le besoin s’en faisait sentir…

La sixième question vitale est celle de nos capacités en lits de réanimation. Il faut clairement les augmenter: des spécialistes y travaillent. Mais il faut aussi se prémunir du pire, avec certains de nos hôpitaux qui deviendraient brutalement indisponibles du fait d’un événement industriel ou terroriste majeur. Il nous faut ainsi créer une réserve stratégique de lits de réanimation, en zone non dense et donc moins vulnérable. Et stocker ventilateurs et moniteurs.

La septième question est celle de la coopération européenne. La France est persuadée qu’elle a le meilleur système de santé du monde et ce péché d’orgueil la conduit dans le mur. Il a fallu le danger mortel du Covid-19 pour que nous consentions à rejoindre en catastrophe une plateforme internationale créée pour concevoir des vaccins innovants, instance que nous regardions jusque-là de haut. Quand nos capacités hospitalières ont été débordées, nous avons transféré nos malades chez nos voisins. Mais trop peu et trop tard. Notre état d’esprit doit changer. Que se passerait-il si nous étions débordés par un attentat bactériologique ou radiologique dans une métropole? Nous devons concevoir des plans d’action en commun avec nos voisins. En cas de catastrophe, l’échelon européen permet de tout mutualiser: les stocks de matériel et de médicaments, les médecins et infirmiers, les moyens de transport dédiés, les capacités en lits, et même cette réserve stratégique de lits de réanimation évoquée plus haut.

La huitième leçon concerne les plus vulnérables. Les personnes âgées, et particulièrement celles vivant en institutions, ont été les grandes victimes de l’épidémie. L’approvisionnement en matériel et le renfort en personnel des établissements doivent devenir prioritaires. Il faut flécher une part importante de la réserve sanitaire sur les Ehpad.

La neuvième question est celle du bon fonctionnement de la société en cas de crise. À toutes les activités qui se sont arrêtées durant le confinement, il faudra donner les moyens de continuer et rappeler aux personnels leur particulière responsabilité. Je pense à l’Éducation nationale et à la Justice.

Enfin, le gouvernement aurait gagné en crédibilité s’il avait d’emblée expliqué qu’il n’avait pas de masques pour le public car il les réservait aux soignants, plutôt que de se perdre en affirmant leur inutilité. Nous le payons cher aujourd’hui. Le doute et même la violence dominent désormais. Il faut réparer, apaiser et redonner confiance. Nous ne serons prêts à affronter de nouvelles crises que si nous avons l’adhésion du peuple. C’est le chantier principal. Il est immense. Là où je suis, je contribuerai à rétablir cet apaisement et cette confiance.

Participez !

Commentez cet article
afin de recueillir votre avis.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici